juil 13 2009
La patrie de Savoie en 1860
On a pu lire, chez plusieurs historiens contemporains, que la Savoie ne constituait pas, en 1860, un peuple.
Qu’il y ait eu un référendum spécialement réservé aux électeurs du Duché tend à montrer le contraire : les puissants admettaient l’existence juridique du peuple savoyard. Elle avait d’ailleurs déjà été mentionnée en 1792, lors du premier rattachement de la Savoie à la France. Car une assemblée délibérante avait été établie à Chambéry sous la direction de François-Amédée Doppet, et les délégués de toutes les communes (sauf une) avaient choisi de rejoindre la République française.
Mieux encore, lorsqu’on lit, au-delà de ces faits administratifs, les écrivains savoyards du temps, il est extrêmement difficile de ne pas voir chez eux un sentiment patriotique ardent, qui, du reste, persista jusqu’à la Première Guerre mondiale. De l’aveu même des préfets envoyés à Annecy et à Chambéry après l’Annexion, la population se sentait d’abord savoyarde, ensuite seulement française.
Prenons pour exemple Antony Dessaix (1825-1893), l’auteur de recueils de légendes de Savoie et de Haute-Savoie parus vers 1875. Il était le neveu d’un général de Napoléon et appartenait à une famille connue pour ses tendances libérales, c’est à dire héritées de Voltaire. Il n’avait pas une âme spécialement religieuse, même s’il croyait en la fraternité humaine. Il qualifiait par exemple le mysticisme de Mme Guyon (qui avait vécu à Thonon) d’illusion, parce qu’elle croyait en la fusion de l’âme avec Dieu en cette vie même. On sait que Mme Guyon, dont les ouvrages firent grand bruit en son temps – le XVIIe siècle -, fut condamnée par Rome à la demande de Bossuet, le maître à penser de la France gallicane de Louis XIV. Dessaix trouvait lui aussi sa doctrine excessive et un peu folle. Cependant, il défendit François de Sales comme étant un Savoyard et un évêque aimé du peuple – nonobstant l’influence que son œuvre mystique avait eue précisément sur Mme Guyon.
Dessaix ne défendait pas le catholicisme contre le protestantisme, non plus ; et pourtant, il affirma que Genève n’eût rien perdu à se laisser vaincre par le duc de Savoie, lors de l’expédition de l’Escalade, en 1602 : car si les guerres de religion cachaient pour lui simplement des enjeux politiques, il défendait avec un certain nationalisme, on peut le dire, la position de la Savoie au cours des siècles.
D’autres exemples de patriotisme savoisien à l’époque de l’Annexion pourront être examinés dans les semaines à venir.
Rémi Mogenet.
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